La paille de l’école burkinabè

Entrave à l’éducation de base : 

 


Des députés ont, innocemment, applaudi quand la ministre de l’enseignement de base et de l’alphabétisation (MEBA) d’alors, Odile Bonkoungou, a affirmé, suite à une question orale, devant la représentation nationale : « Des classes sous paillotte, il en aura encore et toujours au Burkina Faso ». Peut-être, parce qu’aucun des enfants de ces acclamateurs ne connaîtrait ce calvaire d’apprendre sous ces abris de fortune.

 

Cette déclaration relève certes d’un zèle mais, à y réfléchir, elle ne mérite aucune acclamation. Que la première responsable de la pépinière du savoir d’un pays tienne un tel discours, cela peut être interprété comme du pessimisme voire du fatalisme pour l’avenir d’un levier du développement sur lequel la nation mise beaucoup et continue d’injecter une part non négligeable de son budget. C’est un aveu qui n’augure pas des lendemains meilleurs dans un secteur qui engloutit, chaque année, des dizaines de milliards F CFA.

 

Malgré les ressources financières consacrées au Plan décennal de développement de l’enseignement de base (PDDEB) pour briser la fracture infrastructurelle, la persistance des cadres précaires de diffusion de la connaissance au plus bas niveau se pose avec acuité. Le nombre des classes sous paillotte va grandissant sur le territoire national et remet en cause les efforts consentis depuis des lustres pour enlever cette épine du pied de l’éducation nationale.

Toutes les provinces du pays en souffrent. Il n’y a pas une cérémonie d’inauguration ou de normalisation où des hauts-commissaires, des directeurs provinciaux de l’enseignement de base (DPBA), des inspecteurs-chefs de circonscription d’éducation de base (CEB) n’interpellent les plus hautes autorités sur l’ampleur de ce phénomène et ses effets collatéraux sur la qualité du savoir dispensé. Au milieu des contraintes d’une « école gratuite et obligatoire jusqu’à l’âge de seize (16) ans », la récurrence des paillottes ou de la précarité des logements et le retard dans la dotation des manuels scolaires semblent, le plus, « mettre le sable dans le couscous de la promotion réelle de l’éducation nationale ».

 

Les classes sous paillottes mettent en péril la scolarisation. Elles troublent considérablement l’approche, « l’école pour tous ». Car les cadres précaires du savoir sont des niches d’insécurité aussi bien pour les élèves que les enseignants. Dans un pays où l’harmattan et la canicule sont les plus violents du continent, il y a des raisons pour des élus du peuple de ne pas acclamer les beaux jours des écoles sous paillottes. Ils doivent, bien au contraire, s’interroger sur le fait que la manne, sans cesse croissante, allouée au volet de l’éducation de base ne parvient pas à réduire ce phénomène. Les enseignants et les élèves sont exposés aux maladies respiratoires et aux morsures de reptiles. Ajouté au manque criant de logement pour maître, le déficit de salles de cours et même de tables-bancs est une véritable menace au plein épanouissement de l’enseignement de base.

C’est au prix de leur vie que certains maîtres accomplissent leurs missions, dormant dans des magasins ou des cases rondes. Et des élèves subissent la croix et à bannière. Assis à même le sol dans des abris de fortune, ils sont inconfortablement à la quête d’un savoir difficilement à portée. Il n’y a pas de volonté et de courage qui ne s’effritent pas face à certaines réalités avilissantes et déshumanisantes. Le monde éducatif en général et le corps enseignant en particulier ont beau crier leur désarroi, rares sont les oreilles qui prêtent une oreille attentive à leur complainte, pourtant très justifiée.

 

Le Burkina Faso a cette manie « d’enterrer des cadavres en laissant leurs pieds dehors ». Cette démarche porte un vrai préjudice à l’aboutissement de nombreuses initiatives. Elle a laissé divers chantiers dans un goût d’inachevé et rangé plein de dossiers dans des tiroirs. Les établissements scolaires à trois (3) classes se révèlent maintenant une mauvaise option pour promouvoir l’éducation nationale. Le relais que devraient prendre les populations tarde à être une réalité. Dans l’état actuel de paupérisation, elles se montrent incapables de remplir leur part de responsabilité. Le processus pour atteindre les six (6) classes, vacille.

 

Une réflexion sincère et agissante doit diligemment être ouverte à tous les niveaux de décision pour amener les parties prenantes à envisager les voies et les moyens de combler ce vide. Si ce ne sont pas des paillottes et des logements précaires en banco qu’elles construisent, quand la classe de CE II intervient, c’est le système multigrade qui s’impose comme l’alternative la plus probante. Soit l’enseignant squatte chez l’un de ses collègues ou fait face à un effectif pléthorique avec une double préparation essoufflant et ennuyeuse, soit il risque tous les dangers avec ses écoliers. Maîtres et élèves sont tout simplement embarqués dans la même galère qui déprime la transmission et la rétention du savoir. Le logis et le lieu d’apprentissage alarmistes.

 

Les écoles sous paillottes constituent vraiment la plaie béante du système éducatif burkinabè. Et cela n’est pas à l’honneur du pays. Un choix judicieux aurait voulu qu’en attendant de réunir les moyens nécessaires pour ouvrir véritablement les écoles de proximité, l’on se focalise sur des équipements appropriés à équidistance entre plusieurs villages. Il suffit que le site d’implantation obéisse à des critères objectifs plutôt que ceux basés sur la localité du chef, celle d’une personnalité ou d’un bonze du parti. Cela aurait eu l’avantage de doter, un tant soit peu, le pays d’infrastructures scolaires modernes et résolu, du coup, plusieurs problèmes entravant le plein épanouissement de l’éducation nationale. L’engouement pour « un village, une école », à l’image l’érection des préfectures, a, quelque peu trahi le souci de la qualité de l’élan du gouvernement dans le domaine de l’éducation.

 

A tout bout de champ, chacun a voulu un siège de l’administration ou un temple du savoir chez lui. A priori, ces revendications ne revêtent rien d’anormal. Bien au contraire. Mais, il y a des préfectures, des communes rurales, des écoles primaires publiques (EPP) ou des Collèges d’enseignement général (CEG) distant seulement de deux (2) kilomètres qui n’ont de ces appellations que de nom. Ce sont des coquilles vides. Car, elle ne dispose pas du minimum. Des ressources ont été dispersées pour un but non atteint. Certaines infrastructures ne servent pas pleinement du tremplin des activités pour lesquelles elles ont été construites.

 

C’est mieux de cultiver l’abondance, d’accroître les statistiques scolaires, d’affirmer la bonne marche de la décentralisation, de brandir la réalité la mise en œuvre de la déconcentration, de réclamer la proximité tout azimut. Mais dans un pays aux ressources très insuffisantes et très limitées où tout est prioritaire, le bon sens voudrait que soient, habilement, conjuguées l’efficience et l’efficacité pour asseoir des équipements raisonnables répondant au souci de la quantité et de la qualité à tout point de vue.

 

Tant que la construction des écoles va s’arrêter à trois (3) classes et deux (2) logements, tant que des villages très proches persisteront dans leur égoïsme et refuser des infrastructures communes, tant que les populations concernées par les équipements montreront leur incapacité à assurer la relève des investissements, les écoles sous paillotte seront toujours là mais pour ternir l’image de l’éducation, à la base, du Burkina Faso. Le ministère en charge devrait se préoccuper d’inverser cette tendance que d’entretenir des déclarations, à la limite insultantes, bien que fort applaudies par des parlementaires qui ne réalisent pas l’impact négatif du phénomène sur la qualité de l’offre éducationnelle.



02/03/2012
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