Malaise social au Burkina Faso

 

Malaise social au Burkina Faso : Dans l’abîme de l’arrogance, de l’insolence et de la suffisance

jeudi 12 mai 2011

 


Ils sont nombreux, les Burkinabé, qui ne comprennent pas toujours ce qui est arrivé à leur pays aux mois de mars et d’avril 2011. Certains ont du mal à le croire que leur pays ait sombré dans cette bassesse humaine malgré tout ce que ses habitants ont pu observer çà et là dans leur voisinage sous régional, sur leur continent et au-delà. A l’image du Premier ministre, Beyon Luc Adolphe Tiao qui, face à son incapacité de trouver une raison immédiate de cette déconvenue s’est laissé emporter lors de sa première conférence de presse en ces termes, « les démons se sont emparés de nos casernes », d’autres accusent à l’excès le diable.

Autant la paix est une prouesse accomplie par l’intelligence et la grandeur des hommes et des femmes, autant la violence résulte de leur incapacité à transcender dans la raison leurs problèmes. En réalité, les Burkinabé ne se reconnaissent plus. Ils semblent avoir perdu leur repère, débarrasser de leur point d’attache et dénuer de boussole.

Entre le reniement de leur passé et l’non-appréhension de leur avenir, des « Hommes dits intègres » ont trébuché dans un présent qu’ils ont voulu dompter sans les valeurs qui ont caractérisé leurs aïeux. « Les Voltaïques puis les Burkinabé ont été longtemps caractérisés comme un peuple travailleur, humble, modeste avec un esprit de probité, de solidarité et de partage ». Bien malin, celui qui pourrait distinguer ces traits caractéristiques chez les quatorze (14) millions de Burkinabé. La relative stabilité et les croissances flatteuses dont jouit leur pays depuis deux décennies ont transformé une grande partie de la population.

Vivant dans le mimétisme et le mépris d’autrui, celle-ci s’est recroquevillée dans un mensonge latent que seul les brusques coups de canons sont venus rendre à l’évidence.

On ne le soulignera pas assez, c’est la mauvaise répartition des richesses du pays entre ses habitants, le diktat d’une minorité arrogante et insolente, la voracité d’une bande de dignitaire qui ont entretenu les étincelles du mécontentement dont les flammes ont suffisamment brulés des corps et des âmes ainsi que l’image du pays. La propension à la courte échelle, la promotion de l’injustice et la course à l’enrichissement illicite ont porté un sérieux coup à la cohésion nationale. Si les mouvements d’une violence extrême qui viennent de se produire peuvent s’arrêter à leur stade d’avertissement, il faudra chercher leurs causes dans la montée vertigineuse de la pauvreté, l’élargissement des disparités entre les couches sociales. Un engrenage semble plonger dans le désespoir des sans voix.

Ils ont l’impression que tout se décide et se bâtit sans eux. Ceux qui prospèrent se prennent pour les plus intelligents, les plus entreprenants ou les plus bénis de la terre. Ils n’ont plus de respect pour autrui qu’ils méprisent à déshumaniser. Plusieurs signaux ont été donnés aux gouvernants afin qu’ils rectifient le tir en jetant les jalons d’un pays socialement moyen.

Malheureusement, ces chants de cygne n’ont pas étendus à leur juste valeur. Des enfants de hauts cadres et leurs parents ont continué à dépenser là où il ne fallait pas des millions de F CFA sans tenir compte des réalités de leur société où certains n’arrivent pas à s’assurer la pitance quotidienne. Des supérieurs dont l’ascension relève du miracle n’ont aucun égard pour leurs collaborateurs et leurs employés. Des voisins qui ignorent royalement qu’ils ont un entourage et des semblables. A force de regarder les autres de haut, ils ont coupé le cordon ombilical avec leur environnement.

La poussée fracassante de l’individualisme et la culture inquiétante du mépris pour ses proches ont engendré une race de Burkinabé insolents, arrogants et suffisants dont les agissements ont aiguisé ces moments actuels d’incertitudes. Se croyant tout perdu, elle a démoralisé tout le ciment politique, économique et social qui a traditionnellement et historiquement constitué le trait d’union entre tous les citoyens du pays. Ceux qui en ont se foutent et se moquent de ceux qui n’en ont pas. Ceux qui volent ridiculisent ceux qui ne peuvent pas se le permettre.

Ceux qui usent d’abus de toute sorte sur leurs concitoyens se prennent pour des individus spécialement oints d’une mission de commander, de profiter et de disposer tant que les autres, la majorité, sont tenus dans les chaînes de « Damnés de la terre ». Le dédain a joué un mauvais tour au pays au moment où l’on s’attendait le moins. Souillant la beauté d’un travail abattu avec minutie pour placer l’un des pays les plus pauvres de la planète dans l’ère de la modernité et de l’espérance et dans le concert des nations. Le plus dur est à recommencer. Toutes les franges de la population, enfants, femmes, hommes et jeunes, ressentent et subissent avec acuité, cette atmosphère d’impunité dans la quasi-totalité des secteurs d’activités.

La boulimie des uns et leur désir de domination a poussé les autres à l’étroit. A force d’être adulé sous le joug de la misère et de l’inopportunité, l’instinct de survie a entrainé un déclenchement bruyant et douloureux. Même des bonzes du parti au pouvoir commencent à se plier et à crier sous le poids de ce visage peu reluisant de la société burkinabé. Les moyens de le manifester ne sont, peut-être, pas les mêmes mais il apparaît en sourdine que tout le monde est fâché actuellement et pointe un doigt accusateur. Refusant de mourir, ils ont donné de la voix même si la manière laisse à désirer.

A dire vrai, ils sont des millions d’exclus à s’y reconnaître. Tout en appelant les partenaires et techniques (PTF) au secours « d’un ami malade », le Premier ministre a aussi le devoir de redoubler d’efforts pour amener ses compatriotes sur la bonne voie : cultiver les valeurs d’intégrité axées sur la probité, l’humanisme, le respect et la considération d’autrui. Il faut avoir le courage de faire reconnaître et admettre aux Burkinabé qu’ils ont emprunté le mauvais sentier, voulu monter à une échelle dont les assises sociales et économiques de leur pays ne permettaient pas, entretenir une vie difficilement acceptable dans une société qui se cherche. Il est temps de revenir sur terre et reprendre à cultiver les valeurs d’une vraie famille burkinabé.

Dorcas Céleste KOIDIMA,



12/05/2011
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